Ouzbékistan, à la recherche de la mer d’Aral, part II

La nuit fut appréciée mais ce n’était pas la meilleure. Notre matelas a du voir passer plus de fesses que votre proctologue de quartier. Nous réussiront tant bien que mal à trouver le sommeil. L’idée d’aller bivouaquer le long de la mer d’Aral le lendemain a sûrement aidé.

Au réveil, nous achetons auprès de nos hôtes du pain et de l’eau pour la journée. Nous ingurgitons un café en guise de petit dej, nous chargeons les motos et disons au revoir à notre matelas préféré : c’est l’heure de prendre la route !

Enfin, la route sur 1km seulement car nous bifurquons rapidement à gauche sur une piste trouvée sur la carte. Elle se dirige dans la bonne direction et semble praticable. Désormais notre cap sera au nord est pour aller chercher la rive sud ouest du la mer d’Aral sud; ça va vous suivez ?

La piste est plutôt bonne, c’est de la terre compacte et sèche. Il faut faire attention aux bosses et aux ornières mais il n’y a pas de difficultés particulières. Notre vitesse oscille entre 30 et 50 km/h. Les motos sont au top sur ce genre de terrain, à 50km/h nous pouvons rouler en 6ème et ainsi limiter au maximum la consommation, point important pour l’Ouzbékistan.

Car oui, ici ils roulent tous au gaz suite à des pénuries chroniques d’essence et de diesel ces dernières années. C’est plutôt balo pour un pays qui a ses propres gisements (notamment sur l’ancien lit de la mer d’Aral). Mais les installations datent des soviétiques et le gouvernement semble avoir du mal à faire venir des entreprises privées pour moderniser tout ça. Ainsi la production de gasoil et d’essence est en constante baisse depuis 2010. Pour palier à cela et limiter les crises, l’Ouzbékistan importe essence et gasoil depuis ses pays voisins et les taxes d’importations sur les hydrocarbures ont été levées. On peut donc trouver de l’essence et du gasoil en Ouzbékistan, mais pas toujours, pas partout et rarement de bonne qualité. Ici le sans plomb 91 c’est le top du top et le 80 la norme.

Ainsi nos Versys ont été transformées en motos citernes depuis notre dernier ravitaillement au Kazakhstan : en sus des 17 litres de notre réservoir et de nos 2 l de sécurité chacun (2 bouteilles d’un litre pour le réchaud à essence), nous avons rempli nos deux réservoirs souples de 10l. Au total c’était 29l d’essence par machine que nous avions emportés du Kazakhstan (et du 95 s’il vous plait!).

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Notez le bidon d’essence souple calé entre le top case et le sac blanc

L’idée est de faire environ 600 kms sur nos réserves pour rejoindre, après notre périple à la mer d’Aral, Noukous, ville importante dans laquelle nous devrions facilement trouver de l’essence.

Après 2h30, 8 dromadaires et 2 bergers, nous arrivons au premier point de passage de notre itinéraire du jour : une ancienne usine abandonnée. Ce point de repère, immanquable dans ce décor de sable et de plaines nous indique que nous sommes tout près de l’ancien lit de la mer. Il nous faut maintenant remonter plein nord pour aller la chercher là où elle est actuellement : à 40 kms d’ici.

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Pose pique-nique, juste après la bifurcation

La nouvelle piste est encore plus roulante, la moyenne passe à 60km/h. Les suspensions des motos travaillent sans relâche pour amortir bosses, creux & cailloux que nous ne pouvons éviter. C’est vraiment le terrain et le rythme de prédilection de cette machine et je prends un certain plaisir à améliorer ma technique, mes trajectoires et mon placement sur la moto. C’est dans ces moments-là qu’on repense à tout ce qu’on a appris avec nos amis de chez Cocoricorando 🙂

Finalement, nous arrivons sur le bord de la falaise qui borde la mer. La vue est splendide, nous nous arrêtons pour prendre des photos et célébrer l’instant. Il nous reste 15 kms à faire avant de rejoindre notre point de camping (trouvé grâce à l’excellente appli IOverlander), nous repartons rapidement : il est 14h30 et si nous nous dépèchons, nous pouvons monter le campement et prendre l’apéro avec vu sur la mer pendant le coucher de soleil !

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Yatta !

Et s’il y a bien une chose pour laquelle nous ne sommes jamais en retard, c’est bien l’apéro !

Ce qui fut dit, fut fait. Nous profitons de notre emplacement exceptionnel pour sortir la bouteille de cognac kazakh qui nous a été offerte à Atyraou.

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C’est pas classe ça ?!

Nous redescendons de notre point de vue, à l’abri du vent, pour préparer le dîner. Ce soir ce sera risotto ! Un cognac et un repas chaud, on ne pouvait pas espérer mieux pour clôturer cette journée 🙂

Le lendemain matin, une fois le campement levé et nos 10 litres d’essence dans nos bidons souples transvasés dans notre réservoir, nous descendons jusqu’à la mer. Les 150-200m de dénivelé seront passés sur une courte distance avec une pente vertigineuse. L’avantage d’avoir une boite courte, c’est de pouvoir profiter d’un frein moteur important. Nos plaquettes de frein nous remercient encore.

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Et glou et glou..

Après 500 mètres de piste dans un sable pas trop profond nous arrivons presque au bord de l’eau. Il reste 20m, sans trace dans le sable, pour arriver à notre but. Le sage y serait allé à pied, moi j’y emmène ma moto. Après tout elle aussi mérite cette récompense, sans elle je ne serais jamais arrivé là. Cécile décide de me suivre avec son Ulysse.

Les pneus s’enfoncent un peu plus dans le sable sur les derniers mètres, mais cela ne nous arrète pas. Nos roues posées sur le sable désormais humide, nous faisons quelques photos pour célébrer l’instant.

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Make your own path…

Mais au moment de repartir, je comprends pourquoi personne ne s’aventure si près de l’eau : sous la fine couche se sable se trouve une épaisse couche de glaise, rendant les crampons de nos pneus inefficaces en deux tours de roue.

Si avec notre élan nous n’avions pas eu de soucis pour arriver là, il en est tout autre chose pour en repartir. Avec le poids des bagages et du mien, mon pneu arrière s’enfonce immédiatement dans la vase, l’engloutissant d’un bon tiers.

La moto repose désormais sur le sabot moteur, le pneu arrière ne me donne aucune adhérence et je suis incapable de la sortir de là par la seul force de mes muscles. Cécile tentera de me donner un coup de main, en vain.

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…or not.

Vient l’heure de la réflexion : comment sortir Newt de là ? Comment éviter ça avec Ulysse ?

On décide de s’occuper d’Ulysse en premier, elle n’est pas encore bloquée et en faisant attention on peut éviter de faire la même erreur une seconde fois. Ce coup-ci je ne m’assois pas sur la selle pour limiter le poids aux maximum. D’un touché d’embrayage délicat et aidé d’une poussette, Ulysse s’élance facilement et semble flotter sur la fine couche de sable recouvrant la vase. Je vais la béquiller plus loin, en zone sûre.

Reste donc à sortir Newt de son piège. Après de nouvelles minutes de réflexion, je me dis que c’est l’occasion parfaite de baptiser ma pelle militaire que je trimbale sur l’arrière de mon porte bagage depuis que nous sommes allés au Maroc.

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« Ca va trancher chérie ! »©

Et ben je ne regrette pas une seconde de l’avoir trimballée sur 15 000 kilomètres avant de m’en servir pour la première fois ! La moto couchée sur un côté puis sur l’autre, j’arrive facilement à dégager le pneu arrière et le sabot moteur de cette vase collante.

Nous redressons la moto, la partie n’est pas gagnée. Malgrè ce travail, le pneu arrière ne repose toujours pas sur une surface assez dure pour supporter les contraintes d’une accélération, même légère. Nous devons trouver un moyen de donner de la traction à ce pneu.

Heureusement un groupe de touristes accompagné d’un guide débarquent en 4×4. Le chauffeur restera prudemment 50 m en arrière. L’expérience sûrement ..

Le guide nous raconte l’histoire d’un couple d’allemands en camion aménagé, restés bloqués deux jours sur cette même plage. Deux gros camions militaires Russes ont été nécessaires pour sortir les 6,5 tonnes du camion hors de la vase. Heureusement que Newt ne pèse que 250 kgs..

Le groupe nous donne un bon coup de main pour trouver des débris plastiques que nous plaçons devant la roue et pour pousser la moto lors de cette ultime tentative. Grâce à leur aide, Newt est finalement libérée !

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La photo ne fait pas honneur à ces gentilles âmes !

Nous profitons de l’expérience du guide pour lui demander si la piste que je voulais prendre, vers le sud, sur la plage, était un bon choix pour rejoindre Moynaq. Il est catégorique, c’est une mauvaise idée : Il y a 110 kms de piste par là et personne n’y passe. Le réseau cellulaire a sorti le drapeau blanc depuis que nous avons quitté la route hier. S’il arrive quoi que ce soit, nous devrons gérer seuls.

Il nous conseille de remonter par là où nous sommes arrivés, rejoindre l’usine abandonnée et prendre une route asphaltée de là.

Le plan ne nous fait pas rêver, on n’est pas venu ici pour rouler sur du bitume ! On tentera bien la piste de la plage sur quelques centaines de mètres, mais la concentration nécessaire pour la conduite sur cette épaisseur de sable n’est pas compatible avec la longueur de notre itinéraire. Nous rebroussons chemin et optons pour une combinaison des deux itinéraires : nous remonterons par la même route qu’hier, mais redescendront à nouveau au niveau de la mer avant l’usine. De là, il ne restera que 80 kms et d’après la carte la piste est bonne et faite de sable et terre compactée.

Nous exécutons donc notre plan, la première partie de l’itinéraire est connue mais reste spectaculaire. Encore une fois les motos sont d’un grand plaisir à piloter sur ces terrains. Nous croisons 3-4 voitures en reconnaissance pour un rally à venir, elles roulent à 30-40, nous à 60 km/h. Non pas que ce soit un but en soit, mais n’avoir que deux roues, une bonne garde au sol et de bonnes suspensions nous permettent d’atteindre une bonne allure sans difficulté.

Nous arrivons enfin au point duquel part la piste qui redescend sur l’ancien lit de la mer. La légende de ma carte ne mentait pas, elle a l’air en bon état. Nous décidons de continuer et de voir à quoi elle ressemble en bas. Nouvelle descente bien pentue mais tout se passe bien. Nous arrivons en bas, la piste est toujours bonne : let’s go !

Nous roulons désormais sur ce qui était, il n’y a pas si longtemps, le fond de la mer. L’environnement est différent d’en haut, désormais ce n’est que sable compact (presque comme de la terre) et des petits buissons.

La piste commence à se dupliquer de plus en plus et sans GPS nous aurions été incapable de savoir laquelle était la bonne. Il faudra s’arrêter plusieurs fois pour bien regarder la carte sur Osmand.

Peu à peu la piste se dégrade, il reste 65 kms et la vitesse moyenne chute drastiquement. Il est clair que personne d’autre que nous ne passera ici aujourd’hui. D’ailleurs, nous constatons que l’état de la piste ne permet qu’à de vrais 4×4 de passer : des fossés profonds, probablement creusés par l’eau de pluie apparaissent de plus en plus nombreux.

Par endroits les fossés sont tellement prononcés que des « déviations » sauvages, ou plutôt des traces, faites par des camions 4×4 ou 6×6, contournent ces difficultés. Nos sabots moteur toucheront à maintes reprises ce terrain irrégulier. Avec notre allure de tortue sous calmants, nous passons toutes ces épreuves sans problème.

Puis, nous apercevons au loin une sorte d’usine avec une grande cheminée, posée là, au beau milieu de ce désert. La piste semble s’y diriger, nous continuons. Nos arrivons finalement sur une première intersection : un seconde piste rejoins la notre. Le revêtement s’améliore mais le terrain est toujours irrégulier et rempli de nids de poules et d’ornières.

L’usine est en réalité une raffinerie. Il y a plusieurs pompes à tête de cheval visibles à la ronde. Les camions transportant divers matériels liés à cette activité commencent à apparaître. Nous sommes désormais en plein milieu du complexe pétrolier. Nous lirons plus tard dans un guide que l’ambiance du lieu fait étrangement penser au film Mad Max. Le sable, les camions, le pétrole, la raffinerie .. C’est exactement ça. Pourquoi n’ais-je pas eu cette image moi même ?

Les ouvriers et conducteurs d’engins nous regardent tous. Sur leur visage est écrit : « par où ils sont arrivés ces deux là ? »

Ils sont interloqués et intrigués à la fois, la plupart nous fait signe, certains même nous font comprendre par de grands gestes qu’ils veulent une photo avec nous. Avec le retard que nous avons pris, nous répondons poliment d’un geste de la main ou d’un signe de tête et continuons notre route.

Soudain apparaît un check point avec une barrière. Le vigile habitué à contrôler ceux qui rentrent à du s’y reprendre à deux fois pour comprendre ce qu’il se passait. Il ouvrit la barrière par réflexe et leva la main en guise de salue. Je crois qu’il cherche toujours à comprendre comment nous sommes arrivés là…

La route qui suit est plutôt bonne et s’améliore au fur et à mesure que nous nous approchons de Moynaq. Nous arrivons finalement dans ce qui était il n’y a pas si longtemps un port de la mer d’Aral. Nous faisons un stop au cimetière de bateaux avant de rejoindre notre hostel du jour.

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Nous y faisons la rencontre de Christian et Marie-Christine, un couple de Français voyageant en camping-car avec un itinéraire sensiblement identique au notre.

Après une bonne demi-heure à papoter, et 10 minutes à faire des photos pour les locaux intrigués par notre voyage, nous repartons vers notre lieu d’hébergement. Ce soir nous dormons en dortoir, il n’y a pas beaucoup de choix ici mais d’après les avis, on y rencontre beaucoup de voyageurs. Et nous, on aime bien rencontrer des gens.

Nous y faisons la connaissance d’Alex, espagnol voyageant en BMW 1200GS et Andréas, un motard allemand converti au vélo. Nous discutons un bon moment autour des motos, mais l’appel du ventre se fait sentir. Nous demandons une adresse de restaurant à nos hôtes. Ils nous en indique un à 3 kms de là. Nous repartons à deux sur Ulysse sans tarder.

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Newt, Ulysse, et la monture d’Alex

Ce soir ça sera Plov, Lagman, Pelmenis, pain et bière. Ce repas pour 3 est parfait pour nous revigorer. Il creusera néanmoins un trou béant de … 7€ dans notre budget.

Retour au dortoir, après une bonne douche, le repos des guerriers est mérité. Nous dormons avec un groupe d’allemands qui ne nous empêchera pas de sombrer rapidement dans un sommeil profond.

Demain nous prenons la direction de Noukous. Les 200 kms de routes (goudronnées) devraient se faire rapidement.

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