Kirghizistan : après « Whaou », « Whaaaaouu! »

Et oui vous ne tenez plus, je sais. Le cliffhanger du précédent post vous reste encore en travers de la gorge. Ne vous en faites pas, je vous révèle tout .. après une courte page de publicité.

Les poignées chauffantes Oxford fonctionnent quand vous n’en avez pas besoin et vous lâchent à 3000 mètres d’altitude. ?Oxfoooooord?

Il est tôt, bien trop tôt par rapport à nos habitudes. Mais nous nous sommes mis d’accord avec Denis pour prendre le petit dej’ à 7h et partir à 8h de Karakul pour rejoindre la frontière Kirghize. L’idée étant que si il reste de la boue sur le trajet, autant qu’elle soit gelée par la nuit, plutôt que ramollie et rendue bien casse gueule par la chaleur du jour. Le réveil a sonné à 6h40 et je ne suis même pas grognon. Enfin pas encore.

Denis s’étant largement oublié sur l’horaire, il ronflera allègrement jusqu’à 8h. Ca valait bien le coup de se lever à 6h40. .. maintenant je suis ronchon.

Bon en fait ça ne va pas durer. A peine dehors, le lever de soleil sur le lac et les montagnes m’apaisent instantanément. Ce calme, cet air pur et cette vue. Ca calmerait un hyperactif sous Guronzan. On profite de notre « temps libre » d’avant petit dej’ pour charger nos motos. C’est qu’on est plutôt lent à se préparer comparé à Denis. Faut dire qu’il ne trimbale pas beaucoup d’affaires et que je doute encore qu’il ait une fois changé de slip depuis que nous roulons ensemble.

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Oh une jolie marmotte pour oublier qu’on parle de slip sale !

Denis réveillé, le petit dej’ avalé et les motos calées sur un ralenti de 1300 tr/min, nous prenons la route. Au programme 53 kms de route jusqu’au poste frontière tadjik situé sur le col Kyzyl Art, à 4 280 mètres d’altitude. Autant vous dire qu’il va faire froid. Autant vous dire aussi que je maudis mes poignées chauffantes, dont le côté gauche à sorti le drapeau blanc depuis 2 jours. J’ai déjà froid et nous venons de partir. Heureusement que Cécile m’a gentiment prêté ses sous gants. Faut dire que ses poignées à elles chauffent. A croire que je n’ai pas de bol. Elle, elle crève, moi je crève de froid. Chacun sa spécialité.

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La piste est en bon état jusqu’au poste frontière, nous n’aurons pas de soucis particuliers. Hormis les pauses photos et les pauses « réchauffage de main gauche sur la poignée droite » nous faisons l’étape d’une traite. Première guérite, premier contrôle : passeport, visa et carte grise. En 20 secondes c’est plié. Le type me fait signe d’aller dans une seconde cabane. Sans trop avoir ce que je vais y trouver, je m’y rends avec tous mes papiers. Deux types sympathiques m’accueillent avec le sourire. Ils me demandent un papier que je n’ai jamais vu (et donc jamais eu). Après quelques secondes d’incompréhension, ils me disent que si je paie la somme modique de 40 soms, ils peuvent me le fournir. Sauf que :

  • Ce n’est pas moi mais eux qui veulent ce papier
  • Je ne comprends même pas ce que c’est
  • Je pars du Tadjikistan et je ne vois pas pourquoi ils me réclament cela maintenant
  • Je ne suis pas radin mais je n’aime pas payer pour ce que je ne comprends pas

Du coup, j’essaie de discuter (n’oubliez pas que je ne parle pas russe et eux pas l’anglais, ici le verbe « discuter » est peut-être légèrement surévalué) et de leur expliquer (idem) que c’est leurs potes à l’entrée du Tadjikistan qui n’ont pas fait leur boulot et que je ne vois pas pourquoi je paierai pour cela.

En réalité, je comprends assez rapidement qu’ils essaient de me/nous pigeonner. Je leur rabâche posément les points ci-dessus en leur faisant bien comprendre que j’ai saisi leur petit jeu. Gentils dans l’âme, ils nous laisserons finalement partir tous les trois sans rien payer. La barrière nous est ouverte.

Place au no man’s land. 30 kms de terres qui séparent les deux pays. 30 kms où nous ne sommes plus au Tadjikistan mais officiellement pas encore au Kirghizistan. 30 kms où nous sommes juste … terriens.

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La redescente du col est un peu plus sportive. Ce n’est plus la boue le problème, elle a séchée, mais les ornières laissées par les nombreux combats « véhicules VS boue » des jours précédents. Autant vous dire que c’est un vrai champ de bataille et qu’il y a eu des victimes. Ca sentirait presque encore l’embrayage cramé. Finalement nous ne nous plaignons pas. Savoir qu’on évite un autre épisode de boue collante nous ravis. On descendra gentiment en seconde et puis c’est tout.

On arrive au poste kirghize. On passe un à un au premier guichet. Contrôle du passeport et des papiers de la moto. 3 minutes 60 et c’est plié. Place ensuite au contrôle douanier. Là c’est un peu plus long y’a de la paperasse à remplir. L’agent conciliant, nous rempli le document (non traduit), nous n’avons qu’à signer. On s’attendait à devoir payer $15 US par moto (d’après les forums et avis sur IOverlander) mais aujourd’hui on ne nous réclame rien. Denis lui aussi n’a rien à payer car il est Russe et fait parti de la même union douanière avec le Kirghizistan. Il plaisantera d’ailleurs en comparant cet accord avec l’union soviétique v2.

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Sacré Denis !

Nous repartons sur une piste en assez bon état. On aura même droit à du bitume (sans oublier les nids de poules), la classe. Les paysages sont sublimes (encore), on a les montagnes tadjike dans le dos (dont le pic Lénine culminant à 7134 mètres) et les montagnes kirghizes en face. Au milieu, une vallée verte coupée par notre route de gruyère. En face, Sary-Tash, première ville après la frontière et point d’arrivée prévu pour la journée. Denis lui souhaite continuer et pousser jusqu’à Osh à 187 kms de là. Comme la matinée s’est bien passée, on décide de faire une pause dèj’ dans un boui-boui local et de suivre son rythme.

Nous repartons donc après s’être remplis de soupe au mouton, du poulet, de patates, de pain et de thé. La digestion va être longue …

Denis veut me faire essayer sa GS, toujours curieux et partant pour tester de nouvelles machines (même si j’ai déjà eu l’occasion de tester la dernière 1250) j’accepte volontiers en précisant bien que la Versys va être … comme un changement pour lui. Intrigué et sentant le loup venir, il me demande la cylindrée de la Versys. C’est vrai qu’on avait jamais vraiment parlé de ça. J’ai du répéter 3 fois que c’est une 300 cm3. Il n’en revenait pas, d’après la taille il aurait parié sur une 650. Mais non c’est bien une 300.

Me voilà donc parti avec 900 cm3 de plus que d’habitude (et sûrement pas mal de kilos aussi). Si le couple est là, ce n’est pas non plus un gros coup de pied au cul mangé à chaque accélération. La faute, probablement, au poids du chargement (et au poids de la bécane ?). Bref je m’attendais à plus de vivacité. D’ailleurs, en parlant de vivacité, la boite de vitesse des GS me fait drôlement penser à celle des Ural. Question de gènes sûrement. Le passage des rapports manque de douceur et ça fait beaucoup de bruit. Sur ce point, je préfère de loin les boites des japonaises et en particulier celle de la Versys, d’une onctuosité et d’une réactivité à toute épreuve. Et heureusement car sur le petit 300 on joue beaucoup avec la boite.

Manque de pot pour Denis le tronçon de route où nous sommes comporte un passage de col. Je vous laisse imaginer le bonhomme (bien portant) habitué à ses 100 CV passant sur une 300 de 250 kg, évoluer sur une pente à 12% (car il n’y a que des pentes à 12% d’après les panneaux ici). En bas du col nous remontons sur nos montures respectives. Il me demande ce que je pense de la GS et moi ce qu’il pense de la Versys : il pointe la poignée d’accélérateur tout en s’exclamant « Malo, malo ! » ce qui signifie « peu » en russe. Je ne pense pas que la Versys sera son prochain achat. Après tout, je n’achèterais pas de GS non plus. Chacun ses besoins, chacun sa (ses ?) moto(s).

La route vers Osh vaut elle aussi le détour. On passe de 3 000 à moins de 1 000 mètres d’altitude en empruntant une vallée verdoyante. Le route est en bon état et on avance bien, enfin pour notre rythme habituel. Denis lui est impatient et prend le large en dépassant allègrement les limitations de vitesse. Avec Cécile nous préférons maintenir une vitesse de croisière de 80 km/h, jugée satisfaisante compte tenu de la vue et de notre état de fatigue. Nous retrouvons Denis plus loin pour une petite pause pipi bucolique au bord de la rivière.

L’arrivée à Osh est frappante. Il fait chaud, il y’a beaucoup de trafic (comprenons nous bien : nous venons de la Pamir, pour nous plus de 10 voitures en vue est considéré comme ‘beaucoup’), et les gazs d’échappement nous irritent la gorge. D’ailleurs, les motos aussi ont chaud, pas de surchauffe, non, mais le moteur fait un drôle de bruit. Je comprends rapidement que l’essence achetée en bidon à Murghab et supposée être du 92, n’en est manifestement pas. Ce que j’entends pour la première fois c’est des cliquetis (ou ping) d’une explosion qui se produit spontanément dans la chambre de combustion en dehors de celle provoquée par la bougie d’allumage. La faute à l’essence à l’indice d’octane trop bas et qui ne résiste pas à la pression et à la chaleur du moteur (et la chaleur ambiante). Heureusement, cela se produit seulement sous les 3000 tr et pendant les phases d’accélération. Pour les 5 kms restants jusqu’à notre hébergement, on sera en léger sur-régime pour limiter ce phénomène.

Nous arrivons enfin dans une guesthouse/hostel conseillée par Denis et d’autre bikers rencontrés sur la route. Le propriétaire est effectivement motard et dirige même, avec son frangin, une boite de rando/location moto à Bishkek. Bref on est bien accueillis, et les locaux sont top. On a même droit à un mini appart’ privatif en guise de chambre.

On reste ici 3 jours pour se reposer, visiter la ville, avancer sur nos posts de blog (et oui ça prend du temps de rédiger tout cela) et pour trouver des chambres à air neuves. Après la dernière crevaison de Cécile, j’ai bien compris qu’un seul jeu (AV/AR) pour deux motos c’est plutôt limite, d’autant que la chambre AR que nous avons en stock est l’ancienne d’Ulysse qui a déjà été réparée. J’aimerais au moins en avoir une neuve. Notre hôte m’informe qu’il possède un petit stock de chambres à air sur place. On regarde les tailles mais aucune ne correspond. Il nous faudra en trouver en ville.

Ça tombe bien parce-qu’ici il y’a Zorro Moto, atelier moto et revendeur Heidenau bien connu des voyageurs. Au détour d’une balade dans la ville, on ira y acheter deux chambres à air de cette même marque et une nouvelle bombe anti-crevaison. Le tarif n’est pas vraiment local (~40€ la chambre) mais il s’agit de chambres renforcées (4 mm d’épaisseur) et importées directement depuis l’Allemagne. Je me résigne à payer mes 80€ en me persuadant d’acheter notre tranquillité.

En fait je crois que je préfère les tubless…

Denis lui nous quitte après la première nuit, il repart en direction de Baïkonour pour assister à un festival motard qui s’y déroule. Nous prenons une dernière glace ensemble en guise d’au revoir.

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Ciao Denis !

Après 3 jours sur place, il est temps pour nous aussi de reprendre la route. La ville c’est pas notre truc et on a fait le plein de tout ce que nous voulions. Direction Kazarman, ville sans intérêt si ce n’est d’être un passage quasi obligé jusqu’au lac Son Kul puis, plus loin, Issyk Kul.

Les 258 kms annoncés par osmand comprennent 106 kms de route, 101 kms de piste, 52 kms « non défini » (comprendre : ‘tu verras bien coco, mais c’est probablement de la piste bien moche’) et un passage de col à 3 000 mètres. Voilà un cocktail qui promet de belles surprises.

Et effectivement, si la première moitié du parcours se déroule sans encombre (on trouvera même un supermarché avec beurre de cacahuète ‘100% natural’, ouaiiiis), l’ascension du col sera une autre histoire.

Vous connaissez l’expression « avoir la tête dans les nuages » ?

On les voyait depuis un moment ces nuages. Au début, on se dit qu’on n’iras pas aussi haut. Mais en fait si. Ensuite on se dit que ce n’est pas grave, on va passer au dessus et dire bonjour aux bisousnours. Mais en fait non. La moitié de l’ascension se fait avec une visibilité proche de zéro. C’est le genre de moment où tu zoom à fond sur ton GPS pour savoir si la route elle tourne à gauche ou à droite pour éviter de tomber dans le ravin. C’est aussi là, ou tu roules à des vitesses extrêmes comprises entre 5 et 15 km/h et où tu arrives presque à te payer un 4×4 qui surgit en face (à la même vitesse) mais que tu ne vois pas venir. Et il faut aussi prendre en compte l’état de la piste qui se dégrade au fur et à mesure que nous grimpons. On distingue très difficilement les pierres sur notre trajectoire, les collisions sont inévitables, mieux vaut rouler doucement. Par moment, on peut également discerner la bonne épaisseur de neige sur le bas coté. Ça explique que la piste soit détrempée. Parce que malgré le froid glacial ressenti, elle fond cette satanée neige et inonde par la même occasion la piste.

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?Où t’es, Fafa où t’es ??

Bref, c’est une expérience intéressante mais j’en conclu qu’avoir la tête dans les nuages, ben c’est tout pourri.

Mais nos efforts paient enfin. Le col passé et la descente entamée, changement de décors. Les nuages restent coincés de l’autre côté de la montagne. En 50 mètres on passe du froid, de la piste trempée, de 0 visibilité et de l’anxiété, à la chaleur du soleil, le ciel bleu, la joie et cette vue, cette putain de vue !

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Terre, terre !

On s’arrête tellement on a du mal y croire. On prend des photos. Plein de photos. On se réchauffe peu à peu, enfin ma main gauche surtout (satanée de poignée chauffante..) et on fait redescendre la pression.

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« C’est bon Patrick, tu peux couper la machine à fumée ! »

Enfin, nous arrivons à Kazarman. La vue est bien plus intéressante que la ville mais au moins, on a une adresse de guesthouse pour la nuit. L’accueil est froid et le tarif excessif mais le manque d’options d’hébergements joue en notre défaveur. On arrive tout de même à se mettre d’accord pour bénéficier d’un dîner en plus de la nuit et du petit dèj’. Après manger, notre hôte nous demandera, gentiment, de dégager de la salle à manger parce-que maintenant c’est au tour de la famille. Et oui, nous sommes en plein ramadan et apparemment ils ont le droit de manger à partir de 8h30. Et comme ils doivent avoir les crocs, ben il chassent les pécores de leur salon. Normal.

Mais bon finalement on s’en fout : on a mangé, on a un lit pour la nuit et on a passé une super journée. Il nous reste plus qu’à trier les centaines de photos prises aujourd’hui avant d’aller pioncer.

Le lendemain matin, notre charmante hôte nous demandera d’une voie « douce et agréable » de régler notre dû (j’étais encore en slip quand elle est passée) parce-que bon, il est 9h matin et que faut pas déconner. Décidément je l’aime de plus en plus cette dame. Inutile de vous dire que je lui ait fait de la pub sur IOverlander. .. 🙂

Enfin bref, aujourd’hui c’est direction Naryn à proximité du lac Son Kul. Enfin ça c’est ce qui est prévu, les plans vont peut-être changer en cours de route …

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