Visite de la zone d’exclusion autour de Tchernobyl

Le restau de la veille était très bon mais en fait non. J’ai passé une nuit .. compliquée. Et par la même occasion empêché Cécile de dormir.

Désolé pour cette super intro-gastro mais ça met dans l’ambiance de la visite du jour : la zone interdite autour du réacteur N°4 de la centrale de Tchernobyl. Au programme : visite de plusieurs villages abandonnés, d’un radar soviétique ultra-secret utilisé durant la guerre froide, de la ville de Pripyat (50 000 habitants évacués en 2h45), et passage à proximité du réacteur N°4 sous son dôme de protection. Le tout accompagné d’un compteur Geiger pour s’assurer que les radiations sont tolérables pour faire comme dans Half-Life 2.

Mais avant de pouvoir voir tout cela, direction le centre de Kiev, dans le froid et sous une pluie qui ne nous quittera pas de la journée, pour prendre le bus qui nous emmènera sur la zone. Environ 2h de route et 2 passages de checkpoints (respectivement à 30 kms et 10 kms du réacteur). La route nous permet de nous reposer un peu, après la nuit que nous venons d’avoir nous sommes de vrais zombies. Les consignes dictées au micro dans le bus ne nous atteindrons pas toutes ..

Premier arrêt au village de Zalissya dans la zone des 30 kms. Au cœur de la dense forêt se dressent quelques habitations en bois en bien mauvais état. Nous pouvons entrer dans certaines d’entre elles et constater que des vestiges de l’avant Tchernobyl sont encore bien présents : papiers, ustensiles divers etc.. Les objets de valeurs ont eux été détruits ou volés.

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Nous remontons dans le bus. Je ne tiens plus et me rendors avant le second stop : la visite des installations du radar Duga-1. Si le sujet me passionne, je décide de rester dans le bus pour faire un vrai somme histoire de tenir la journée. Cécile prendra les photos et me racontera la visite. L’article Français de Wikipedia sur ce sujet est bien fourni¤ mais globalement il s’agissait d’un système soviétique ultra-secret de détection de lancement de missiles intercontinentaux. Bien entendu, l’idée était d’être capable de détecter une attaque nucléaire américaine au moment du lancement des engins et non au moment de l’entrée en vision des radars conventionnels.

Le système était tellement puissant qu’il perturbait une bonne partie des stations radios sur ondes courtes mondiales, y compris les stations soviétiques..

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Une des quatre antennes qui constituaient le système Duga-1

La visite continue dans un autre village abandonné : Kopachi. Même décors que Zalissya, la nature a repris le dessus sur les ruines des bâtiments. L’arrêt n’apporte pas grand chose de plus. Nous attendons tous de voir de plus près le réacteur et surtout la visite de Pripyat.

Le réacteur est, depuis novembre 2016, couvert par une arche de protection visant à protéger le sarcophage construit à la hâte après l’accident, limiter les fuites de radiations et empêcher toute intrusion dans ce qui reste de réacteur. Initialement estimé à 430 millions d’euros, le projet de la plus grande structure mobile du monde (car oui, elle a été construite, puis déplacée à son emplacement définitif) sera finalement réévalué à 1,4 milliard d’euros en 2016. Qui va chipoter pour 1 milliard hein ?

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Du réacteur nous ne verrons donc rien, mais ça, on s’y attendait. On en profite tout de même pour faire des relevés avec nos compteurs Geiger. Nous sommes à 200 mètres du dôme à vol d’oiseau, les valeurs affichées par les compteurs sont dans les limites admises. Au moins le milliard d’euro aura servi à quelque chose.

Il est plus de 12h12 et nous n’avons toujours pas mangé. Place donc à la pause dej’. Direction la cantine du campus. Car oui il y a une cantine; pour les touristes, mais aussi et surtout pour les employés du site encore nombreux aujourd’hui.

Nous avons opté avec Cécile pour la formule « je ramène ma bouffe parce que ça sera meilleur et moins cher ». On a tout de même le droit de s’installer à une table de l’unique salle du self. Au bruit ambiant, je dirais que les considérations acoustiques étaient quelques peu .. mises de côté lors de la conception du bâtiment. Bref, hormis pour se remplir le ventre, le moment est sans grand intérêt. D’autant que moi, j’ai plus envie de dormir que de manger…

Nous repartons enfin en direction de Pripyat, à 3 kms de là.

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« Pripyat »

Pripyat c’était la ville communiste modèle : pour 50 000 habitants (à son heure de gloire) elle disposait d’une piscine, d’une bibliothèque, d’un cinéma, d’un parc d’attraction (dont l’inauguration était prévue juste après l’accident), d’une école, d’une université et même d’un supermarché ! Dans les années 80, en URSS,  les supermarchés étaient rares : l’usage des coupons de rationnement était la norme. Il ne suffisait pas d’avoir de l’argent, il fallait avoir le droit de s’en servir !

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« Aujourd’hui, promotions au rayon bio ! »

Mais à Pripyat c’était différent : la ville hébergeait (entre autre) les ingénieurs qui travaillaient à la centrale. Ils étaient bien payés et menaient, à priori, une vie confortable et plus proche du modèle de l’ouest que partout ailleurs en URSS.

Tout changea lors de l’explosion du réacteur N°4 de la centrale dans la nuit du 26 avril 1986, suite à la réalisation d’un test de sécurité du réacteur. Ce test était planifié et décrit dans les procédures, seulement celles-ci semblent ne pas avoir été respectées. La gestion de la crise par les ingénieurs, les pompiers, l’armée et l’administration est un sujet à part entière. Encore une fois l’article Wikipédia sur la catastrophe est très bien documenté¤.

Nous prendrons compte au fur et à mesure de la visite, du sacrifice fait par les intervenants des premières heures : aucun entraînement ne les avaient préparés à cette catastrophe. Ils combattaient un ennemi invisible, dans des proportions impensables à l’époque. Les compteurs de radiation étaient inefficace tant les taux d’expositions étaient élevés. La sensibilisation à la menace était inexistante de même que les protections individuelles. Mais grâce aux actions des ingénieurs, des pompiers et de l’armée dans les toutes premières heures après l’explosion, le pire a été évité : l’explosion du réacteur N°3.

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Ingénieurs, liquidateurs pompiers & médecins : les héros sacrifiés

Au petit matin, les habitants de Pripyat ne sont pas mis au courant des conséquences de la catastrophe, et pour cause, même au sommet du parti, personne n’est au courant de la gravité de la situation. Il faudra attendre 30 heures pour que commence l’évacuation de la ville et de ses environs.

En revanche, une fois la machine soviétique lancée, rien ne l’arrête : 1200 bus serons réquisitionnés pour faire évacuer 50 000 personnes en 2h45. Bel exploit tout de même. Bon bien sûr, officiellement ce n’était qu’une évacuation temporaire, nul besoin d’emporter ses affaires ..

Le guide nous raconte tout cela sans s’arrêter. Il a des anecdotes pleins la tête et une simple question peut le relancer pendant 10 bonnes minutes. Il est réellement passionné par le sujet et est donc passionnant à écouter, même quand on lutte pour garder les yeux ouverts.

Durant le trajet retour il nous demandera pourquoi nous voulions visiter ce site. La réponse est quasi-unanime : la catastrophe a eu lieu l’année de notre naissance ou durant notre enfance. Autrichiens, ukrainiens ou français, nous étions tous concernés par la radioactivité. Il est intéressant de venir comprendre ce qu’il s’est passé et de se rendre compte de l’envergure et des conséquences d’une catastrophe nucléaire.

Il est malheureusement triste de savoir que 25 ans après ce drame, nous n’avions toujours pas appris nos leçons avec la catastrophe de Fukushima. 

Les avons nous apprises aujourd’hui ?

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Quoi qu’il arrive, la nature reprendra toujours le dessus. L’homme, en revanche …

2 réponses sur “Visite de la zone d’exclusion autour de Tchernobyl”

  1. Superbe article,
    vous avez eu la chance de pouvoir visiter ce lieu remplis d’histoire.
    nul besoin de vous dire que pripyat est une destination que nous souhaitons un jour visiter, l’homme n’as malheureusement pas compris que le nucléaire n’est et ne seras pas la bonne solutions.
    quand ça fonctionne ça peut aller si nous mettons de coter les fuites ainsi que les déchets que ça occasionne.

    Merci à vous de nous permettre dans un sens d’être du voyage avec vous au travers de vos photos et témoignage.

  2. « … les fuites ainsi que les déchets … » + les maladies, les malformations, les mutations, l’exploitation humaine et économique dans les pays producteurs d’uranium, et la consommation sans frein d’une énergie qui semble inépuisable et propre (le comble !), et n’oublions pas la course à l’armement ! :-/

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