En piste ! #part 2

5h du matin. Réveillé par une envie pressante je me retrouve à ouvrir les yeux devant le plus beaux ciel étoilé qu’il m’ait été donné de voir jusqu’à présent. Les signes du zodiaques étaient tous là (enfin les deux que je connaisse) et la voie lactée visible dans toutes ses nuances. Ce fut donc sous ce spectacle à 360° que j’allais, pieds nus dans le sable frais, trouver mon spot de soulagement.

Un peu de poésie dès le matin ne fait pas de mal.

6h50, les premières lueurs du soleil me réveillent. L’horizon couleur feu couplé au calme plat du désert dégageait une atmosphère envoûtante, prenante, invitant au recueillement. Les copains se réveillent tous un à un, sans dire un mot, nous profitons tous du spectacle.

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Ces moments-là sont rares et précieux. Ce matin nous en prenons tous conscience. Nous ne voulons surtout pas le gâcher d’une manière ou d’une autre.

Steph a choisi de dormir en haut de la dune pour profiter d’avantage du spectacle offert par les étoiles. Il est également aux premières loges pour le lever du soleil.

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L’émerveillement passé et le soleil levé, il est temps d’embrayer sur le petit dej’. Il nous faut prendre des forces pour la journée à venir : avec à peine 90 kms de parcourus la veille, il nous faudra en faire 160 aujourd’hui pour joindre Zagora. Aller, hop hop hop !

Le campement rangé et nettoyé, les motos chargées et démarrées, nous retrouvons la piste dont nous nous étions éloignés pour la nuit. L’air ambiant est déjà bien chauffé par le soleil; aujourd’hui encore nous allons bien transpirer.

La piste poussiéreuse est plaisante, nous avançons bien et les paysages, tantôt lunaires tantôt sahariens, nous imposent de nombreux arrêts photos. Nous croisons la route de quatre dromadaires visiblement sauvages. Steph tenta d’établir le contact sans grande réussite.

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Ils auraient l’accent Berbère (!?)

Nous longeons la frontière algérienne en direction de l’Ouest. Le décor semble changer pour de bon : place aux grands espaces ouverts, arides et plats. Le désert n’est pas loin et si le sol est recouvert de pierres, le sable est juste en dessous. Il faut rester éveillé pour ne pas se faire avoir par ce revêtement qui n’attend qu’un instant d’inattention pour glisser une pelletée de sable sous nos roues.

La piste s’est confondue avec le sol, nous roulons de front, sûrement pour changer de perspective (et pour arrêter dans manger de la poussière).

Cette dernière phrase aussi bénigne puisse-t-elle paraître, prend tout son sens sur le terrain. Posez-vous la question : avez-vous déjà roulé en dehors d’une voie de circulation tracée ou matérialisée de quelque manière qu’elle soit ?

Et si cela nous est déjà arrivé au Maroc, ici on parle de plusieurs dizaines de kilomètres sans déceler une trace de piste, en s’appuyant uniquement sur le soleil pour s’orienter. Quoi ? Oui bon je m’emporte un peu. Peut-être qu’on avait un GPS (ou deux) avec nous. Mais ça ne change pas le sentiment de liberté !

D’ailleurs, ça ne serait le bon moment pour faire une photo de groupe ?

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On profite de l’arrêt pour se prêter nos montures.

Me voilà donc sur la moto de Raph. Niveau mécanique c’est un retour 30 ans en arrière : un cylindre, deux soupapes, refroidissement par air, freins à tambours et pas de démarreur électrique.

On me brief donc sur le démarrage au kick; il y a effectivement un coup de main pied à prendre, le tout étant de ne pas accrocher sa semelle sous les valises, ou de se faire envoyer le genou dans le guidon en cas de retour de kick …

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« Pas besoin d’aller vite, il suffit d’aller au bout. »

On cherche le point mort haut en jouant avec le kick et le décompresseur, une fois le point de compression passé, on relâche le décompresseur, on remonte le kick et, d’un coup de cuisse, on élance le piston sur toute sa course.

Ok facile.

Tout le monde repart, Raph n’a visiblement pas de mal à prendre en main la Versys. Faut dire que le démarrage électrique ne requiert guère d’explication.

La XT500 est simple et sans fioritures, mais il faut tout de même mettre le contact avant de démarrer. Tellement concentré sur mon coup de kick que j’en oublie de vérifier ce point. Je me retrouve donc à kicker pendant 5 bonnes minutes en plein soleil sans arriver à provoquer la moindre explosion dans le cylindre. Les copains se sont arrêtés plus loin et me regardent en se demandant ce que je peux bien faire.

C’est au moment où ils se décident de me rejoindre que j’aperçois ce petit bouton noir, là, à droite sur le guidon et sur la position « OFF. »

Moment de solitude

Une fois le contact allumé, la moto démarre au premier coup de kick. Je suis à la fois soulagé, épuisé et embarrassé. Faut dire qu’à force de kicker j’ai la cuisse droite en feu. Les copains prennent sur eux : ils ne se moquent pas, c’est beau la solidarité motarde intergénérationnelle.

La XT se conduit comme un diesel : ça vibre, ça tracte et ça n’aime pas monter dans les tours. Tout l’inverse de nos Kawa qui ne sortent rien d’intéressant avant 6000tr/min et qui s’expriment pleinement, sans l’ombre d’une vibration, à partir de 10 000tr/min. GG emploiera le terme de « moteur électrique » suite à son essai. C’est à mon sens la meilleure définition que l’on puisse donner à ce moteur Kawa 300.

Enrouler entre 50 et 70 km/h à 3000tr/min, c’est le credo de la XT. À son bord les maîtres mots sont simplicité et virilité. Il devient très vite évident que le pilote montrera des signes de fatigue avant la mécanique.

Quelques kilomètres plus loin nous terminons l’essai et remontons sur nos montures respectives. Raph s’est fait une frayeur avec la Versys : son poids plus haut perché l’a surpris sur un banc de sable. Il est vrai que le top case et la tête de fourche rehaussent le centre de gravité et rendent les motos plus difficilement contrôlables en cas de prise d’angle sur sol instable. Heureusement pour ce coup-ci, il n’y a pas eu de bobos.

Nous décidons de faire une pause dans une auberge quelques kilomètres avant Tafraoute histoire de faire le plein de « whisky berbère » et de s’abriter à l’ombre un moment.

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« Il a tourné ton whisky »

Car oui, ici au Maroc, il y a toujours une auberge dans un coin. Ça nous fait du bien, mais le timing de la journée en prend un coup à chaque fois. Il est 12h30 et nous sommes grave à la bourre sur le tracé du jour. Ce midi, nous jeûnerons.

Nous saluons le patron et repartons rapidement. À la sortie de Tafraoute nous arrivons sur une zone humide, un lac asséché, pas si asséché que ça, qui avait déjà capturé un 4×4 dans ses eaux boueuses. La piste était bloquée. Nous suivons les conseils de touristes ayant effectué la traversée la veille : il faut longer la zone par le nord pendant quelques centaines de mètres, nous devrions ensuite trouver un passage praticable.

Nous nous exécutons, pendant ce temps un second 4×4 était en train d’essayer de sortir le premier d’affaires. Ça c’était jusqu’à ce que la sangle de remorquage cède. Ils vont en avoir pour un moment. Une bonne dizaine de personnes leurs prêtent main forte, nous continuons notre route.

Le passage est en effet facile, un peu de sable, un peu d’eau mais rien d’insurmontable, nous arrivons sur la partie (vraiment) asséchée du lac. C’est immense, magnifique et jouissif !

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Born to be waïiiiiiildeuuuh
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La pochette de notre prochain album intitulé « Les classiques massacrés à la flûte de pan »

Nous continuons sur cette étendue pendant une bonne dizaine de kilomètres avant de revenir sur une piste sableuse qui nécessitera une bonne dose de concentration.

D’ailleurs, on en peut plus du sable. Ça fait presque deux jours qu’on en mange (littéralement), ça nous crève et les chutes sont nombreuses. Heureusement, d’après les locaux c’est la fin du sable. Plus loin ? De la piste pierreuse. Hallelujah !

Il reste juste un dernier passage technique avant cela. Je ne sais pas si c’est l’envie d’en finir, ou l’expérience acquise (on peut rêver) mais nous passerons tous du premier coup et sans chute.

Nous revoilà donc sur d’immenses étendues pierreuses. Nous naviguons toujours au cap, roulons à bon rythme et espérons rattraper notre retard sur le planning. C’était sans compter un waypoint GPS foireux nous ayant emmené droit au sud, en plein sur l’Algérie !  Nous nous en sommes rendu compte à environ 25 kms de la frontière …

Un GPS c’est bien, un GPS (ou smartphone) avec une cartographie des lieux c’est mieux. Ça évite ce genre de surprises. Pour la suite du voyage ce sera donc l’excellent OSMAnd qui nous guidera.

Nous voilà donc repartis, cap au nord/nord-ouest, direction Oum-jrane, dernière étape sur la piste.

Il est 17h40 et nous sommes à la moitié de notre parcours. Ça craint. La bonne nouvelle, c’est qu’il reste moins de 30 kms de piste, le reste se fera sur la nationale 17, sur du B-I-T-U-M-E !

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Je ne regrette pas d’être resté au Coca …

Nous ne traînons pas non plus sur Oum-jrane, un délicieux « Pom’s » aux saveurs bien chimiques, le plein d’eau et nous repartons pour en finir avec la piste. La douche chaude qui nous attend fait rêver tout le monde (et tout ceux que nous croisons …).

La fatigue est là mais la concentration aussi. Nous roulons prudemment, car c’est souvent dans ces derniers moments difficiles que l’attention se relâche. Le soleil commence à descendre, ses rayons nous éblouissent, nous naviguons plein ouest.

Enfin apparaît la nationale 17 :

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Poussiéreuse et pleine de sable, la Versys n’est pas sur son 31 aujourd’hui ..

Les derniers kilomètres se feront sans encombres, nous ferons un court arrêt pour regonfler nos pneus (dégonflés pour la piste) et dépannerons un local en panne d’essence.

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Wesh ! Bien ou bien ?

Quelle aventure que ces deux derniers jours !

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